À quand remonte votre dernier défi ?
Je veux dire, la dernière fois où vous vous êtes dit : « Là, je sors de ma zone de confort. »
Pour moi, c’était il y a quelques jours, en écoutant les suggestions de plusieurs lecteurs et lectrices : me lancer dans une carte… non pas de monde, mais de ville.

Cela peut sembler anodin, mais en vérité je n’avais jamais pris le temps d’en dessiner une. Pas une vraie, pas une précise et soignée. En fouillant dans mes vieux carnets, j’ai retrouvé un brouillon griffonné pour une partie de jeu de rôle quand j’avais 15 ou 16 ans… et c’est tout. Rien d’autre.
Alors je me suis posé la question, café à la main : pourquoi ? Pourquoi est-ce que je n’ai jamais tenté une véritable carte de ville ?
Après réflexion, plusieurs raisons me sont apparues :
- Les cartes de mondes fantasy sont partout, mais celles de villes sont plus rares (souvent plus fréquentes pour le JDR)
- Une carte de ville, par définition, se limite à un lieu unique
- Et soyons honnêtes : dessiner une forêt ou une montagne paraît souvent plus simple que des bâtiments détaillés…
Bref : les cartes de ville m’ont toujours semblé rares, limitantes et surtout plus techniques (rues, bâtiments, textures, etc.).
Résultat : j’ai longtemps repoussé ce défi.
Mais beaucoup d’entre vous (fidèles du blog, Cartogriffeurs ? Griffeurs ? Si vous avez des suggestions pour le nom de la communauté, je prends !) semblaient curieux d’apprendre à en dessiner une. Alors je me suis lancé.
Voici donc un humble tutoriel pour créer votre première carte de ville.
Et pas de panique : on ne va pas attaquer par une métropole de dix mille habitants ! Pour un premier essai, mieux vaut commencer simple, avec un petit village. Parfait pour tester les bases, se faire la main… et pourquoi pas, rêver déjà à des villes plus grandes.
Suivez-moi et rendons-nous dans la petite bourgade de Querce-Brume.
1 — Esquisser les contours
Je commence donc par tracer les bases de notre village, à savoir les routes et les bâtiments. Un axe principal traverse le bourg et quelques voies secondaires partent ça et là.
Pas de traits trop travaillés, ni de texture. L’important est de fixer le socle pour la suite. Les détails, ce sera pour plus tard.
Pour les bâtiments, j’utilise des formes simples, rectangulaires ou carrées de tailles variées. J’ajoute les cheminées (petits carrés remplis d’une croix), des avancées de toit pour symboliser des ouvertures (fenêtres ou portes) et je n’oublie pas bien sûr de tracer les arêtes au sommet des toitures.
Au centre du village, j’ajoute un puits. Lieu important pour s’approvisionner en eau, on dirait presque que les habitations se sont installées autour de ce point. C’est important de réfléchir aux raisons qui ont pu pousser les populations à s’installer à un endroit précis plutôt qu’à un autre.
Près du puits, à l’est, je décide de placer le plus grand bâtiment : une auberge. Lieu de rencontres, c’est la plaque tournante de la bourgade. Querce-Brume n’est pas un lieu de première importance mais son emplacement amène beaucoup de passage et donc de voyageurs fatigués désireux de passer une nuit paisible.


2 — Les éléments naturels
Si le village en lui-même vient de prendre vie, il n’est pas au milieu de nulle part. Il existe dans un environnement, un décor qui va véritablement donner une âme à votre village. Le rendre vrai et vivant.

Que représenter alors dans cet environnement ? Arbres, haies, clôtures, étangs, rivières, champs de culture … La seule limite est l’idée que vous vous faites de votre village. Dessiner une ville du dessus peut parfois embrouiller le cerveau. Nous avons l’habitude de voir les choses de notre point de vue et non de celui d’un oiseau (ou d’un drone). Cela peut demander un effort mental mais on s’y fait vite avec un peu de réflexion.

L’important est de rester logique. Pourquoi y’a-t-il un arbre ici ? La présence humaine (ou de toute autre forme de vie intelligente propre à votre univers) implique que l’environnement alentour sera altéré par cette présence. Les arbres, les haies sont des éléments naturels certes mais qui auront été choisis ou modifiés par les êtres vivants habitant le village.

Comme pour d’autres types de cartes, je fais attention à ne pas rendre trop uniformes les éléments naturels. Les arbres ont tous des tailles et des formes différentes. Ils ne sont pas parfaitement alignés (sauf si plantation externe).
J’en profite également pour ajouter le nom du village sous la carte. On arrive à une esquisse plus ou moins complète qu’il sera toujours temps de peaufiner et d’ajuster au moment de l’encrage.


Et en parlant d’encrage, il est enfin temps de se lancer. Et c’est là que nous allons voir véritablement notre carte passer de l’idée fugace à une forme beaucoup plus concrète.
3 — Encrage et textures
On range le crayon à papier pour mes fidèles liners. Pour chaque étape de l’encrage, vous pourrez noter les épaisseurs de mine utilisées afin de vous faire une idée. Si vous voulez en savoir plus sur le matériel que j’utilise, rendez-vous ici pour recevoir la checklist du matériel du cartographe dans votre boite mail.
Je choisis là aussi de commencer par les routes et chemins. Pas de trait linéaire mais une délimitation naturelle entre l’herbe et la terre battue. Vous pouvez faire quelque chose d’irrégulier, avec quelques “blancs”. Les chemins de terre ne sont jamais parfaitement droits, jouez là-dessus.



On passe ensuite aux habitations. Ce sont les éléments principaux de la carte, j’utilise donc mon liner le plus épais (08) pour les maisons, les toits. Et le plus fin pour les cheminées (005).
Vous avez peur de ne pas faire des lignes de maisons parfaitement droites ? Alors, vous avez 2 bonnes raisons de ne pas paniquer :
– le trait au crayon vous sert de guide pour ne pas “déraper”
– un trait trop parfait perd de son charme, faites le test en traçant tout à la règle. Cela n’aura pas du tout le même effet !



J’encre ensuite quelques éléments “durs” : le puits, les stèles de pierre au nord et la clôture au sud-ouest.

Avec un liner fin (01), je m’occupe des champs avec le tracé des lignes de culture. Je reprends le même principe que les chemins mais beaucoup plus haché et avec moins de pression sur la mine pour un rendu plus léger et discret. Grâce à l’esquisse au crayon, je parviens facilement à conserver une régularité d’espace entre les lignes. Oui ici, la régularité a son intérêt (travail par l’homme).


Vient ensuite le “gros” de l’encrage dans cet exemple : la végétation. Arbres, haies, arbustes, tout y passe. Le secret est de ne pas tracer de lignes uniformes et régulières mais d’avoir “la main tremblante”. C’est un coup à prendre, faites des essais sur une feuille de brouillon avant si vous n’êtes pas sûr de vous.
Pour les arbres proches, jouez sur la hauteur. Certains arbres sont plus grands que d’autres, leurs frondaisons passeront au-dessus et donc au premier plan par rapport aux plus petits.
Ensuite, il ne vous restera plus qu’à ajouter de la texture avec les feuillages à l’intérieur de chaque arbre. Et faire la même chose avec les haies.


Je passe enfin aux détails : étang à l’est, brume au nord et titre au bas de la carte.



On passe enfin aux textures. La cerise sur le gâteau. La touche finale. Celle qui fera toute la différence entre une carte plate et fade et une carte vivante, prête à surgir devant vos yeux.
Je pose des hachures sur la moitié des toitures, en respectant du mieux possible une logique visuelle. Cela sera parfois difficile. Les hachures peuvent symboliser l’ombrage mais cela reste une représentation arbitraire et esthétique. Avec les hachures, les bâtiments se détachent mieux du reste de la carte et deviennent vraiment les éléments principaux du village.


J’ajoute également de la texture sur les chemins et dans les prés. Avec les touffes d’herbe, on peut facilement donner des effets de pentes à un terrain auparavant vide, nu. Autour du grand arbre au nord, j’ai les brins d’herbe selon une « courbe ». Comme si l’arbre était au sommet d’une petite butte. C’est vraiment très léger si on ne s’y attarde pas mais c’est un détail qui ajoute un petit truc. Je vous laisse découvrir les autres endroits du genre sur la carte.
On peut aussi ajouter plus de texture devant les entrées de maison pour marquer les piétinements et le passage fréquent.




4 — Le tour est joué
Une fois tous les petits détails ajoutés, le village de Querce-Brume prend enfin sa forme finale avec un rendu sympathique et qui a fière allure. Une fois scanné, voilà le résultat obtenu.

Et je peux enfin me dire que j’ai dessiné une carte de village pour la première fois. Ce n’est certainement pas parfait mais elle a le mérite d’exister. Vous connaissez le dicton : mieux vaut fait que parfait !
Alors si vous aussi vous hésitez à vous lancer, jetez-vous dans la mêlée ! Essayez un style de carte auquel vous n’avez jamais osé vous frotter.
- Notez toutes vos idées sur votre ville (emplacements, lieux importants, particularités, etc…)
- Esquissez un croquis brouillon rapidement sans réfléchir au rendu
- Ajustez les détails
- Et quand tout vous paraît ok, encrez !
Si ce tutoriel vous a plu, n’hésitez pas à me le dire dans les commentaires. Si ce type de carte vous plaît, je me lancerais peut-être dans la création d’une ville plus imposante (cité portuaire, capitale ou autre).
À vous de jouer.
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FAQ récapitulative — Vos questions sur le dessin de cartes de villes et villages
Comment commencer une carte de ville fantasy ?
Commencez simple : un élément central (un arbre, une place, un puits…) ou les axes principaux. Les bâtiments viennent ensuite, autour de cette structure simple.
C’est l’étape la plus importante.
Faut-il dessiner la carte au crayon avant de passer à l’encrage ?
Oui, absolument. Une esquisse, même très légère, vous sert de guide et vous évite les erreurs d’échelle ou d’orientation.
L’encrage doit être la dernière étape, quand vous êtes sûr de vos formes.
Comment faire les toits des maisons ?
Je dessine d’abord un rectangle simple, puis une arête centrale pour marquer la pente. Les hachures sont ajoutées en dernier, toujours dans le même sens pour garder une cohérence visuelle.
Comment donner du relief ou des variations de terrain ?
De simples hachures larges, quelques touffes d’herbe orientées dans un même sens ou une ombre très légère suffisent.
Inutile de tout surcharger : la suggestion fonctionne très bien.
Comment rendre une carte de village plus vivante ?
- Variez les tailles des bâtiments
- Ajoutez quelques bosquets ou rochers
- Placez 2–3 éléments “humains” : puits, clôture, stèles, potager…
- Évitez les formes trop régulières
- Jouez avec les textures
Quelles erreurs éviter quand on débute ?
- Tracer des routes parfaitement droites
- Dessiner tous les bâtiments de manière identique (taille, forme, orientation)
- Encrer trop tôt
- Vouloir tout remplir (le vide est un outil graphique puissant)
Quel niveau faut-il avoir pour dessiner une carte comme Querce-Brume ?
Aucun !
C’est exactement le but de ce tutoriel : montrer qu’un débutant peut obtenir un très beau résultat avec une méthode claire et progressive. Un pas après l’autre.
Comment choisir le nom d’un village ?
Prenez un élément qui définit l’endroit (arbre, relief, rivière), puis ajoutez un suffixe réaliste (-val, -combe, -bois, -brume…).
Exemple : Quercus (chêne en latin) → Querce → Querce-Brume.




Simple mais efficace, ça me donne envie de faire une …
Ville en ruine de +20 000 personnes avec des bâtiments grandioses et tout un tas de ruines autour !
Oui je suis fou, et je n’y connais rien en carte ou en dessin, mais tu es inspirant.
Et il faut bien ce lancer un jour, sinon je ne le ferai jamais, le premier pas.
Merci Betanaelle. Lance-toi oui ! 🙂
Super tuto, merci beaucoup ! Je découvre ton site et tes RS depuis quelques jours, et quelles pépites ! Merci beaucoup pour tous ces conseils et ce partage ! Avec plaisir pour d’autres tutos de villes dans d’autres contextes !
Merci beaucoup à toi pour ces compliments.