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Le 14/01/2022

Comment choisir la bonne échelle pour sa carte fantasy ? (les 4 piliers)

Prenez un peu de hauteur sur votre carte.

Votre premier jet est déjà bien avancé et vous réfléchissez à mettre tout cela en forme au propre. Vous avez les reliefs et les forêts en tête, les villes et les cours d’eau. Il ne vous reste plus qu’à mettre tout ce beau monde sur vos royaumes, vos empires, vos continents.

Vous attaquez.

Les premières montagnes émergent de votre feuille (ou sur votre écran). Les cimes des arbres pointent le bout de leur nez. 

Tout comme vos premiers doutes.

Une question vous submerge. Une interrogation qui vous bloque en pleine création. Vous lâchez votre crayon ou votre souris et vous vous mettez à réfléchir. Puis à douter.

Est-ce que ma carte est à la bonne échelle ?

Les composants de votre carte doivent-ils être plus gros ? Doivent-ils être plus petits ? Plus denses ou plus éparpillés ?

C’est vrai. Ces questions ne sont pas toujours faciles à élucider. Mais si vous vous les posez ou que vous cherchez des réponses à ce type de problèmes, vous avez déjà fait une bonne partie du chemin.

Je vais vous expliquer comment choisir la bonne échelle pour votre carte et les éléments qui la composent et pourquoi c’est important d’y réfléchir.

On y va.

De paire avec l’histoire : le cadre

Lorsque l’on décide de réaliser une carte pour son univers, il faut commencer par réfléchir à l’objectif de ladite carte. Faire l’impasse sur cette étape serait une erreur.

De l’histoire dépendra votre échelle. 

Au moins, jouera-t-elle un rôle. Plus ou moins important selon l’influence du monde dans votre esprit et dans le récit proposé.

Si votre histoire se déroule dans un seul et unique pays, alors s’évertuer à dessiner le monde dans sa globalité n’a pas grand intérêt. Si la région dans laquelle évoluent vos personnages représente 10 ou 20% de la surface du globe, le rendu visuel risque d’embrouiller les lecteurs.

Quel sera l’intérêt d’avoir le monde entier si ce qui nous intéresse se retrouve dans un coin de la carte ? Des éléments en tout petit, les noms de lieux illisibles sans loupe et tout le reste de l’univers totalement superflu pour la compréhension de l’histoire.

Si l’histoire ne sort jamais du cercle, quel intérêt ?

Au contraire, il faudra vous rapprocher de l’intrigue à travers votre carte. Si le récit se déroule dans un royaume, cantonnez-vous à ce royaume et ses alentours. Profitez-en pour proposer une carte suffisamment détaillée de la zone et offrir ainsi suffisamment de matière aux lecteurs ou joueurs.

Gardez à l’esprit que votre carte doit accompagner votre public à travers l’aventure que vous lui proposez. Si votre histoire ne quitte jamais une cité en particulier, vous n’avez pas de raison de dessiner le pays ou le monde entier. La Terre du Milieu de Tolkien ne montre pas Arda dans sa globalité, mais bien le lieu de l’intrigue du Seigneur des Anneaux.

De même pour le Hobbit, toute la Terre du Milieu n’était pas dévoilée dans le roman

Il peut toutefois y avoir des cas particuliers.

Côté roman fantasy, l’histoire peut tout à fait vous amener à faire évoluer le rendu de la carte au fil des tomes.

Par exemple, le premier volet se déroule dans le pays A puis dans le second tome, le héros traverse la mer et arrive au pays B, votre carte pourra différer d’un tome à l’autre. Soit en reculant notre oeil et dévoiler le pays B en plus du pays A, soit en se focalisant sur le nouveau lieu de l’intrigue et n’afficher que le pays B au détriment du A.

Cela dépendra de votre ressenti et de la façon dont vous voudrez porter l’histoire.

Côté jeu de rôles, les joueurs et joueuses que vous allez guider vont incarner des personnages issus du monde que vous aurez imaginé. À l’instar de la grande majorité des gens sur notre terre, ils devraient avoir une idée du monde dans lequel ils vivent.

Si une carte à plus petite échelle sera bien sûr plus claire pour le jeu en lui-même, dessiner et dévoiler une carte de plus grande échelle pourrait être pertinent pour que les joueurs et joueuses sachent dans quel type d’univers ils évoluent. Libre à vous de décider du niveau de détails, mais cela apportera plus de profondeur au jeu.

Dans tous les cas, vous ne devez pas confondre la carte que vous souhaitez montrer à votre public et celle que vous pouvez garder “dans l’ombre”. 

Vous êtes le créateur, la créatrice de votre univers. Si le public ne peut / ne doit pas tout savoir (d’emblée), vous devez au contraire avoir un regard le plus large et complet possible.

En résumé :

Le public n’a pas forcément besoin de tout voir et même si en tant que créateur ou créatrice, vous avez envie de montrer tout ce que vous avez imaginé, gardez du mystère sur votre monde. Et dévoilez-en davantage au fur et à mesure, cela ne pourra rendre votre carte que plus pertinente et intéressante.

Maintenant que le cadre est délimité, voyons le second point au moins aussi important.

Du support sur lequel s’adapter : le format

Oui, c’est un problème que beaucoup rencontrent au moment de mettre en page leur roman fantasy (je pense là à l’autoédition).

Si vous dessinez dans votre coin sans penser à la suite, vous risquez de vous retrouver avec une carte inutilisable dans votre livre. Vos forêts risquent de ressembler à d’horribles amas de points noirs, vos montagnes auront l’air de chenilles recroquevillées et je ne parle même pas de la légende, des noms de lieux et autres cours d’eau.

When you play Magic Arena on your phone : r/MagicArena
Vous y voyez quelque chose, vous ?

L’idéal est donc de réfléchir en amont au support sur lequel vous allez dessiner votre monde. Si au premier abord, la fameuse feuille A4 dans le bac de votre imprimante vous semble être une bonne idée, vous devriez peut-être attendre avant de vous lancer.

Si votre carte est amenée à se retrouver dans un roman, elle apparaîtra dans un format proche du A5 (environ 15×21 cm). Vous devez partir du principe qu’un rétrécissement sera impératif et que donc, la qualité en sera affectée. 

Mieux vaut donc choisir un format d’origine plus conséquent afin de perdre le moins possible durant l’opération. Je vous conseille au moins du A3. Ou bien attaquer directement au format final, en veillant à ne pas oublier ce détail.

Et si vous voulez une carte à exposer au mur, libre à vous de choisir un format plus grand (A2, A1…) selon vos envies.

Il est également primordial de vérifier en cours de création que la taille de police de vos textes sur la carte apparaît de manière lisible au format final. Un nom de ville pourra être impeccable en A3 et semblable à un gribouillis au format de votre livre. 

Prudence donc. Et contrôlez le rendu au fil de l’eau.

En résumé :

Si le cadre n’a pas besoin d’être le plus large possible, le format de votre carte, lui, se doit d’être le plus adéquat. Mieux vaut toujours un format plus grand (et une résolution de 300 dpi une fois sur ordinateur). Cela vous permettra de conserver une qualité supérieure, que vous réduisiez ensuite la taille à l’impression ou non.

Mais cela ne répond pas à toutes vos interrogations.

Le prochain point entre un peu plus encore dans le cœur du sujet. 

Tout est question de proportion : le rapport

Lorsque vous commencez à dessiner votre carte, vous vous retrouvez rapidement confronté à tout un tas de questions. La plupart ne vous ayant même pas traversé l’esprit avant de coucher vos idées sur le papier.

  • Quelle taille doivent faire les montagnes ?
  • Les arbres doivent-ils être aussi grands que les reliefs ? Si je les fais plus petits, on ne les distinguera plus.
  • Dois-je dessiner les villes à l’échelle ?
  • C’est trop grand ou bien trop petit ?
  • Etc…

Difficile de vraiment savoir. 

Alors vous dessinez votre carte au feeling, histoire d’avoir des éléments de taille cohérente entre eux. Mais avec le recul, vous le sentez bien.

Il y a quelque chose qui cloche.

Vous vous demandez peut-être si cela est vraiment grave d’avoir une montagne mesurant 1 cm plutôt que 1,5 cm sur votre feuille. Qu’est-ce que cela peut bien changer au rendu ?

Je vais vous le dire.

Cela peut foirer votre carte. De A à Z.

Imaginez.

Vous dessinez la carte de votre monde. Et comme c’est un univers vaste, vous ajustez l’échelle de vos forêts, de vos montagnes. En les réduisant, vous donnez à votre carte une impression de grandeur.

Effectivement, c’est une bonne idée. 

Mais vous oubliez un détail. Votre monde, aussi vaste soit-il, va se retrouver sur la page 7 de votre roman. Dans un format poche. Et je ne vous parle pas du noir et blanc à l’impression.

Votre belle carte avec une véritable armée de détails n’aura pas grand intérêt, imprimée sur 15 cm.

D’où l’intérêt d’ajuster l’échelle de vos éléments en fonction du format et du cadre de votre carte (points vus plus haut). Tout est question de proportions.

Carte sans doute très bien mais illisible en l’état, imaginez ça dans un livre de poche
On constate qu’en modifiant simplement le rapport d’échelle, ça change déjà la donne sur le rendu visuel

Mais mettons de côté le format de la carte. Imaginons que le format n’ait pas d’importance dans notre exemple. 

Mettons que votre carte reste au format numérique. Si le continent où se déroule votre histoire est relativement étendu et qu’une chaîne de montagnes le traverse, dessiner des reliefs aux proportions gigantesques ne sera pas du plus bel effet.

De manière générale, plus votre carte sera à grande échelle, plus vous pourrez réduire la taille de vos éléments. À l’inverse, une petite île sera plus susceptible d’être habillée par une montagne aux proportions imposantes. Voyez cela comme un effet loupe.

À la taille des montagnes, on comprend tout de suite qu’il s’agit d’une île ou du moins d’un territoire restreint

Pour vous aider dans votre travail de création, n’hésitez pas à vous appuyer sur des outils comme Google Maps. Zoomez sur une zone qui, selon vous, équivaudrait à la taille et à l’échelle de votre propre carte et voyez comment apparaissent les éléments géographiques. 

C’est une aide grossière, bien entendu. Ici on parle de carte fantasy, pas d’une vue satellite. Mais cela peut vous donner une idée.

Vous pouvez aussi vous inspirer d’autres cartes imaginaires. Mais attention à ne pas tout calquer sur un autre univers. 

S’inspirer mais pas copier.

En résumé :

Adaptez de façon inversement proportionnelle la taille de vos éléments par rapport à l’échelle de votre carte. Attention toutefois. Si votre carte est amenée à rétrécir pour s’adapter au format d’un livre par exemple, il vous faudra ajuster le rapport d’échelle pour que le tout reste lisible.

Mais surtout n’oubliez pas, l’ordre de grandeur des éléments ne doit pas forcément respecter l’échelle réelle dans votre monde. 

Évidemment qu’une montagne est bien plus grande que des arbres. 

La carte reste avant tout une représentation artistique d’un monde (qu’il soit réel ou fictif).

Maintenant que nous avons vu la question du cadre, du format et des proportions, voici maintenant l’une des raisons pour lesquelles ces trois points sont fondamentaux.

Une question de crédibilité

Avoir une carte pour son roman ou pour son jeu de rôles n’a rien d’absolument indispensable.

C’est la vérité. 

Personne ne peut vous dire que vous auriez dû en ajouter une ou au contraire qu’elle est complètement inutile.

Une carte a des atouts mais elle a aussi des impératifs à respecter. Elle doit avoir des objectifs clairs et définis. Et l’un d’eux est ce qu’elle va renvoyer de votre univers. Sera-t-il crédible ou non ?

S’il y a une chose que j’ai comprise au fil de mes lectures, de mes parties, c’est que votre crédibilité en tant que créateur/créatrice de monde dépend (en partie) de la qualité de votre carte.

Une carte au rendu amateur, mal optimisée pour le format livre ou à l’échelle disproportionnée pour vos joueurs nuira à la crédibilité que pourrait avoir votre univers et donc la vôtre par effet domino.

En résumé :

Une carte n’est pas indispensable. Mais si vous choisissez d’en dessiner une et de l’insérer dans votre projet, alors vous devez y mettre les moyens. Je ne parle pas uniquement du coût financier, mais bien d’un investissement en temps et en développement suffisant pour obtenir un résultat à la hauteur.

L’échelle pour votre carte fantasy

Ces quatre points sont donc essentiels pour obtenir un résultat de qualité et une carte vraiment utile et pertinente.

Quand vous vous lancez dans un projet de carte, il faut bien prendre en considération tous les facteurs qui permettront à votre public (lecteurs et/ou joueurs) de l’apprécier à sa juste valeur.

Astuce pour votre carte :

Une façon simple d’obtenir une échelle de distance facilement mémorisable est de convertir les dimensions de votre support (papier ou virtuel) en unité de distance. 

Prenons par exemple une feuille A4 et partons du principe qu’1cm sur votre feuille est égal à 50 km à l’échelle de votre carte. Votre page A4 aura donc des dimensions de 1050 km sur 1485 km.

Maintenant, à vous de décider du facteur d’échelle et de vous amuser avec.

Vous avez toutes les cartes en main

Alors, qu’en est-il de votre carte ? Aviez-vous déjà réfléchi à cette histoire d’échelle ? Vous avait-elle échappé jusqu’ici ? Ou au contraire, cette question vous empêchait-elle d’avancer dans votre création ?

Moi-même, il m’a fallu du temps avant de régler la mire. Et chaque nouvelle carte ramène ce sujet sur la table. L’échelle est cruciale dans le dessin de votre carte. Prenez le temps d’y réfléchir.

Dites-moi si ce copieux rappel vous aura permis d’y voir plus clair.

En attendant, à vos cartes !

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Denis Vergnaud


Une carte ne se dessine pas toute seule, Denis doit être en train de se perfectionner dans l'art de la cartographie fantasy.
De quoi vous aider dans vos projets de cartes d'univers fantasy pour vos romans ou vos jeux de rôles.

  • Merci, c’est très clair. J’aimerais bien ton avis sur un point : l’unité de mesure. Très souvent, l’échelle est exprimée sur la carte en cm/km et je trouve que cela donne un côté anachronique aux univers fantasy qui (même quand ils ne sont pas datés) sont chronologiquement placés avant le système métrique. Mais les mesures en pouces, pieds, lieues ( ou autre système abandonné de nos jours…) sont moins transparentes pour le lecteur. Quel dilemme ! Qu’en penses-tu ?

    • Merci pour ton commentaire, Hélène. C’est une bonne question (peut-être une idée de futur article ?).
      La lieue me semble la plus pertinente pour un univers fantasy (médiéval-fantasy par exemple).

      En légende sur une carte, si l’on veut jouer la carte de l’originalité, pourquoi ne pas remplacer les unités classiques par une mention du genre « X jours à cheval/à pied ».
      Cela change des unités de distance habituelles et ça a le mérite d’être parlant pour tous.

  • Bonjour Denis, super article comme toujours ! Cette histoire d’échelle m’a donné bien du fil à retordre le jour où je me suis demandée : « Mais de la montagne au château, ça fait combien de kilomètres ? Et en jours, ça donne quoi ? » Surtout que mon monde était censé être vaste, mais je plaçais les éléments un peu au hasard, et ça posais quelques problèmes niveau chronologie (« non, mais j’ai mis ce lac dans le coin mais en vrai il est plus près. C’est pour ça que mon héros y est arrivé plus tôt. »). Résultat : j’ai dû recommencer depuis le début. Je vais travailler les 4 piliers, ça devrait m’aider à résoudre ce casse-tête.
    Merci de nous partager ces précieux conseils !

  • J’avoue que ce n’était pas vraiment ce à quoi je m’attendais — je pensais plutôt qu’on allait parler de l’échelle aka la petite barre dans le coin de la carte qui indique les mesures réelles vs papier… ça en parlait quand même à la fin, donc ça va x)

    À part ça, j’aimerais conseiller un petit truc ! Il n’y a pas forcément que des auteurs qui veulent créer des cartes… Moi même je suis une « worldbuilder », j’aime créer un monde juste pour le plaisir, alors certains arguments comme quoi « il n’y a pas d’interêt à dessiner le monde entier s’il n’y a pas d’histoire dedans » n’est pas très pertinent…
    Biensûr j’ai des projets d’histoires, mais le worldbuilding et les cartes ne sont pas exclusivement des outils pour le storytelling, je pense que c’est un art à part entière et qu’il serait bon de le prendre en compte lorsque vous vous adressez à votre audience 😀

    Sur ce, bonne continuation, je pense suivre le blog de loin vu que je ne fait pas vraiment partie de l’audience cible (je suis bien au delà des basiques et j’ai un peu de mal avec ces guides écrits pour total débutants ^^’) en tous cas la qualité est présente !

    • Merci pour votre commentaire.

      Cartogriffe s’adresse à tous les créateurs, toutes les créatrices d’univers. Mais effectivement, certains articles peuvent s’adresser davantage à un public qu’à un autre. L’échelle des cartes est souvent très bloquante pour les auteurs, d’où mes exemples répétés.

      Toutefois, j’en prends bonne note pour la suite. On ne laisse personne sur le bord du chemin 😉

  • Bonjour Denis, déjà un grand merci pour ce blog et tous tes articles, je ne m’en sortirai pas sans toi !
    Je suis en ce moment même bloquée devant ces histoires d’échelles…
    En gros, mon personnage fait environ 3h de marche dans la forêt pour se rendre de son village à une clairière.
    J’ai dessiné ma carte, j’ai fait attention aux proportions, j’ai mis mon village, mes petits arbres et là problème…. Au moment de placer ma clairière elle se retrouve à moins de 1cm de mon village, visuellement à peine à l’entrée de ma forêt (dont les arbres font 3km de large)…
    Donc je modifie mon échelle mais nouveau problème: Ma carte qui faisait 250km de large n’en fait plus que 50……
    Je ne sais pas comment gérer ça ! J’ai l’impression que c’est impossible de faire une carte crédible en terme de distances ET lisible.
    Merci pour ton aide !

    • Bonjour Audrey,
      Je pense que tu peux rester sur ton échelle d’origine, même si ta forêt se retrouve « trop près » de ton village. Pour une distance équivalent à 3h de marche, j’aurais tendance à dire que l’échelle importe moins que sur des trajets en jours ou semaines. Ce n’est pas bien grave selon moi 😉

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